Au cœur de la Force.
Publié le 15 Janvier 2015
L'été du cinéma, deuxième partie.
24 juin 2014.
Quelques jours plus tard, un autre événement cinématographique nous attendait, plus récent celui-là. Il s'agissait de l'exposition « Star Wars Identities » à la Cité du Cinéma, en banlieue parisienne. Il y a quelques années, une exposition similaire avait eu lieue à la Cité des Sciences de la Villette. Mais étant en Chine, je n'avais pu m'y rendre... Et m'étais dis que j'avais raté là une belle occasion de voir des éléments ayant servi au tournage des deux trilogies cinématographiques les plus célèbres. J'ai donc bondi de joie en apprenant que la Cité du Cinéma allait accueillir une exposition similaire. Depuis la Chine, j'avais acheté les tickets sur internet, et tout préparé pour que Caili et les petits puissent m'accompagner. Mes deux nièces ainsi que le petit copain de l'une d'entre elles se sont aussi joins à l'escapade.
Comme pour de nombreux cinéphiles de ma génération, ma passion pour le cinéma a indubitablement démarré avec « la Guerre des Étoiles ». J'avais cinq ans en 1977 quand le premier film est sorti. Et pour fêter mon anniversaire, mon père m'avait emmené le voir. Plus qu'une révélation, cette projection a été l'un des deux plus grands chocs cinématographiques de mon existence, et aussi le premier. Le deuxième devait survenir en 1981. Il s'agissait des « Aventuriers de l'Arche Perdue ».
Je me souviens aussi de la sortie de « l'Empire Contre-attaque », en 1980. J'étais encore tout petit, et je m'y étais rendu avec ma sœur. Je m'en souviens car nous étions arrivés avec un tout petit peu de retard, juste après la fin du générique déroulant, alors que l'action avait commencé sur la planète des glaces. Et je m'en souviens d'autant plus qu'étant rentré après le démarrage de la séance, nous avions du nous frayer un passage laborieux dans les ténèbres d'une salle comble de spectateurs, trouvant notre siège avec difficulté. Et pour finir, nos places avaient une particularité qui a dorénavant disparu des salles industrielles : ma sœur et moi étions assis au balcon.
En 1983, la sortie du « Retour du Jedi » m'avait laissé un peu indifférent, même si j'étais heureux de retrouver de vieux amis à l'écran. Il faut dire que la narration était descendue d'un sérieux cran après avoir culminé dans le précédent opus, que les fans reconnaissent comme étant le meilleur des six films -bientôt sept !-. Au milieu ou vers la fin des années 80, une ressortie massive de la trilogie permettait de revoir les trois toiles les unes après les autres, en salle, sur une après-midi. J'en étais ressorti groggy, mais empli de bonheur. Depuis, je ne me souviens pas avoir revu la trilogie originale en salles.
Pendant des années, les fantasticophiles attendirent avec impatience la sortie du prochain épisode. Des rumeurs circulaient de temps à autre, jusqu'à ce que l'annonce officielle de la production de « la Menace Fantôme » soit faite. L'attente des fans était démesurée. Je ne sais pas si c'est encore le cas en France, mais à l'époque les films sortaient le mercredi. Et quand en 1999, le film est sorti en salles, en milieu de semaine donc, il m'a fallu négocier un après-midi sur mes congés auprès de ma direction. C'est dire à quel point mon impatience était languissante : je n'avais même pas été capable d'attendre l'heure de la débauche pour aller assister à la projection. Mon patron avait été sidéré de voir qu'un employé demandait une demie-journée de congés... Pour aller au cinéma !
Quant au suivant, « l'Attaque des Clones », c'est un des derniers films que je suis allé voir au cinéma en France, avant mon expatriation donc. Et le dernier, « la Revanche des Sith », est bel et bien sorti en salles en Chine. Mais j'ai eu la flemme de m'y rendre, repoussant toujours à un jour prochain, jusqu'à ce qu'inévitablement, il soit retiré de l'affiche.
Et depuis quelques mois, je tire la langue et je tape du pied en attendant la moindre rumeur, même incohérente, concernant le septième opus, dont le tournage s'est terminé il y a quelques semaines, et qui doit sortir très précisément le 18 décembre 2015. Vous me croirez si vous voulez, mais j'ai déjà acheté mon ticket. Et j'emmènerai Angelo, qui découvrira le prochain Star Wars en salles à l'âge où j'ai découvert le premier, il y a très longtemps... (*)
Pour revenir à l'expo, même si j'étais très heureux de pouvoir détailler avec mes propres yeux les costumes, les accessoires, et les maquettes des six films de « la Guerre des Étoiles », un autre moteur me poussait à y aller. Aller visiter cette expo, ce n'était pas seulement poursuivre un bonheur solitaire, mais partager quelque chose de fondateur pour moi, avec ma femme, et surtout mes enfants -Caili, même si elle est la plus merveilleusement compréhensive des épouses, et subit avec un bonheur feint toute mes marottes saugrenues, n'en reste pas moins dubitative quant à l'intérêt réel que représente le fait de s'esbaudir devant le pouvoir de la Force. Par contre, laissez-là une heure chez Sephora, et elle s'émerveillera devant cette corne d'abondance de cosmétiques cocottants. Alors que moi, passées les dix premières minutes, je soupire en tapant du pied-.
Aussi absurde que cela paraisse, il y a une corrélation avec l'histoire de la trilogie originale, qui reste aussi, au-delà des héroïques combats intergalactiques entre le bien et le mal, celle d'un père et d'un fils. Pour être tout à fait sincère, je ne sais pas si c'est cela qui me touche vraiment, ou si ce n'est pas surtout un prétexte. Car le plus stimulant dans la série, ce n'est pas la relation père – fils, mais toutes les bastons stellaires et les duels au sabre-laser. Enfin bref.
N'en subsistait pas moins une crainte de la déception. Tout d'abord, j'avais peur qu'Angelo et Louis s'ennuient, et qu'ils hurlent, pleurent, se plaignent, deviennent intenables, voire les trois à la fois, et qu'il me soit impossible de vivre cette exposition dans le recueillement cinématographique intense qui a présidé durant mon enfance et mon adolescence. En fait pas du tout : ils ont été sages comme des images, et ne se sont pas fais priés pour être pris en photo à côté de Dark Vador ou de R2-D2. Ma deuxième crainte était liée aux visiteurs. L'expo se terminant le 30 juin, j'avais peur que nous soyons obligés de jouer des coudes parmi une foule suante, et qu'il serait impossible de savourer le moindre objet en toute tranquillité. Là aussi, mon angoisse était infondée : les tickets ne s'achetaient pas seulement pour des dates précises, mais aussi pour des horaires, permettant ainsi de fluidifier le flux de visiteurs, et de profiter de l'exposition dans une quiétude bienvenue. J'avais, à l'achat des billets, pesté contre ce protocole de l'horaire, par pure crainte d'arriver en retard -nous sommes montés à Paris en voiture depuis Tours, et je ne maîtrisais pas le temps de transport-. Finalement, celui-ci s'est avéré être dans l'intérêt des visiteurs.
Ma dernière inquiétude était bien évidemment la plus intense. J'avais peur que, voir en vrai tout ces artefacts hollywoodiens détruirait complètement la puissance des impressions merveilleuses cumulées depuis bientôt quarante ans sur grand écran. Car la force du cinéma, entre autres, elle est là : rendre croyable l'incroyable. Et là aussi, Dieu merci, j'avais complètement tort. Voir l'exposition n'a fait que rendre encore un peu plus réaliste, encore un peu plus croyable, encore un peu plus vivant, un univers cinématographique parmi les plus fabuleux qui ait été créé, produit, et tourné.
En attendant notre tour à l'extérieur sous un soleil intense, alors que les gens discutaient agréablement dans la file d'attente, j'ai vu quelque chose dont seul un cinéphile pouvait identifier la teneur. Nous étions à la Cité du Cinéma, dont la raison principale d'être est d'accueillir des équipes de tournage. Et justement, deux techniciens qui marchaient dans l'allée poussaient un imposant chariot. Sur celui-ci étaient amalgamées les pièces démontées de plusieurs caméras Red. La Red est devenue la caméra de référence depuis l'avènement du numérique, un peu comme l'a été la Panaflex de Panavision au temps de l'argentique. Ils se rendaient certainement sur un plateau, pour un tournage. C'est la deuxième fois de ma vie que j'avais la chance de voir une Red.
La première fois, c'était à Shanghai, alors que j'assistais au tournage du film « Shanghai Blues – Nouveau Monde », une production pour Arte ayant pour thème l'expatriation, et dont deux des principaux personnages sont vaguement inspirés de notre vécu, à Caili et moi-même. Mais là aussi j'y reviendrai.
Et puis, quand nous sommes rentrés, le site de l'exposition était un vrai studio de cinéma, gigantesque en surface, vertigineux en hauteur, avec toute une structure au sommet du très haut plafond pour accueillir les éclairages et tout l'équipement nécessaire. Nous étions sur un vrai plateau de tournage. Cela commençait très bien.
Le principe de l'exposition s'articulait autour de la construction d'un personnage de l'univers de « la Guerre des Étoiles », à l'image d'un jeu de rôles. J'ai bien évidemment passé toutes ces étapes, complètement barbantes pour un cinéphile, même si j'ai pratiqué le jeu de rôles pendant de très nombreuses années. Ce qui m'intéressait, c'était de rentrer dans la structure des films, de comparer l'objet à son rendu à l'écran, de comprendre les effets, la façon dont ils ont été conçu, la manière dont les matériaux, les maquettes, les armes, ont été rendu réalistes, une fois vus par le prisme de l'objectif de la caméra. Ce que j'espérais, c'était que l'exposition soit organisée sous un angle cinématographique. Même si je n'ai pas boudé mon plaisir, cet aspect de l’œuvre y était passé presque complètement sous silence. Mais après tout, pourquoi pas.
En découvrant pour la première fois de visu tous ces objets, j'ai ressenti certes de nouvelles impressions, mais qui dans l'ensemble ont confirmé la perception que j'en avais dans les films. Par exemple, Chewbacca me semblait très grand dans la trilogie originale, et il paraît encore plus gigantesque en réalité, malgré une mise en valeur savante dans les films, à travers de vertigineuses contre-plongées -mais il fallait bien que les autres acteurs rentrent dans le cadre aussi. Pas évident, surtout sachant que les films sont au format cinémascope-. L'armure de Dark Vador est rutilante, de toute beauté, et ne fait pas du tout « morceaux de plastique », comme je l'aurai crains. Il émane de la marionnette de Yoda, même inerte dans sa vitrine, une sérénité et une poésie que sa copie en image de synthèse n'a jamais atteint. Et pour cause : on ne peut demander à l'ordinateur de faire preuve d'humanité, alors qu'au marionnettiste, si. Et même si on ne sait l'exprimer, à l'écran on le ressent. La finition de R2-D2 ne m'a pas paru exceptionnelle dans les détails. Il en ressort un petit côté « fabriqué à la main ». Mais même dans les gros plans, à l'écran, on n'y voit que du feu. Les maquettes des vaisseaux spatiaux sont extraordinaires. Pour autant, elles restent des maquettes, et la magie avec laquelle les opérateurs d'Industrial Light and Magic -la société d'effets spéciaux fondée par Georges Lucas pour les besoins du premier film- ont obtenu un effet complètement réaliste à l'écran reste, pour moi, incompréhensible, et ce dès la scène d'ouverture du premier film.
Autre petit détail, de geek complet : j'ai adoré le Solo emprisonné dans la carbonite et la pétoire de Boba Fett ! Des trucs de mecs, quoi.
Mes deux nièces, elles, sont tombées en pâmoison devant les robes de Padmé Amidala. Des trucs de filles, quoi.
Seul petit bémol, c'est lors de cette visite que le coup de pompe que j'évoquais dans l'article « comme un miroir » a commencé à survenir. Au solde de l'exposition le matin, j'avais un rendez-vous l'après-midi dans le centre de Paris, dont je vous reparlerai un peu plus loin : je devais rencontrer Anne-Maris Quévrain, l'arrière petite-fille de Georges Méliès. Pour les béotiens, Georges Méliès est l'inventeur du spectacle cinématographique, et le réalisateur du « Voyage dans la Lune » en 1902, qui est le tout premier film de science-fiction de l'histoire du cinéma.
Mais comme je commençais à me sentir chancelant, j'ai préféré l'appeler, lui faire toutes mes excuses, et remettre notre rencontre à un futur passage sur Paris, ce qu'elle a fort bien compris. Et j'ai bien fais : Dieu merci l'une de mes nièces surveillait mon attitude automobilistique, car sur le retour vers Tours, je me suis assoupi trois fois au volant, en plein après-midi. Mais bon, ça valait le déplacement.
L'album complet de la visite est disponible sur ma page Facebook.
(*) dans une galaxie lointaine, très lointaine, donc.