La politique des simples.

Publié le 30 Avril 2015

Étonnement, je reprends du plaisir à partir en vadrouille aux quatre coins du Jiangsu et du Zhejiang, pour y effectuer mes aventureux contrôles qualité en usine, dans le cadre de l’activité de ma société, Onesource Agency. C’était un des aspects de la prestation que je redoutais autant qu’il me grisait, quand j’ai monté la boite, il y a dix ans –ça fera tout juste dix ans demain : happy birthday Onesource !-.

La politique des simples.

Ce qui me souciait, c’était la technicité de la chose. Même si j’ai été amené et suis toujours amené à travailler sur des produits difficiles techniquement, comme l’outillage, l’électricité, ou les cosmétiques, je n’ai jamais eu le sens de l’ingénierie. Je suis même au contraire l’archétype du ballot ambidextre de la main gauche, qui, à la moindre velléité bricolophile, s’empale royalement un tournevis dans la paume. Ne pouffez pas : ça m’est arrivé deux fois, saignant abondamment, sans avoir réussi à faire vaciller une victorieuse tête de vis impassible. Le pire, c’est que je fais pourtant attention. C’est moi qui dois avoir un problème mécanique.

Ce qui m’excitait par contre, c’était le voyage continuel que constituaient ces sauts de puce exotiques d’une usine à l’autre, au plus profond de la campagne chinoise, dans le parfum de son cambouis industriel, dans l’humilité désabusante de sa force ouvrière, dans la poussière soulevée par ses camions sur les sentiers cahoteux, dans la légitimité active d’un pays qui vrombit et qui explose. Tout ceci, toute cette authenticité locale, je voulais m’y enfoncer jusqu’à l’abysse la plus essentielle, la plus culturellement véritable, et ne faire qu’un avec elle, comme si elle allait me permettre d’atteindre l’objectif ultime : la sagesse suprême.

Qu’est-ce que j’ai pu me gourer ! Pourtant de ce côté-là, j’ai été servi, à m’en dégouter. Et c’est exactement à cet extrême que j’en suis arrivé. Rien que prendre le car longue distance, pour trois ou quatre heures, est devenu une corvée. Certes, j’achète toujours les tickets les plus matinaux, les transports sont rarement bondés, et je peux travailler jusqu’à ce que la batterie de mon PC me lâche, puis lire un des merveilleux bouquins de cinoche qui hante les étagères de ma bibliothèque sans que je ne prenne le temps de les compulser à la maison. C’est, dans ce sens, un instant privilégié, un moment où, même avec la meilleure volonté du monde, faute de jus dans la pile de l’ordi, je ne peux travailler. Je n’ai dès lors pas mauvaise conscience à m’abandonner à la lecture. En fait il n’y a pour ainsi dire qu’en déplacement que je lis. Et rien que comme ça, je dois bien avaler quinze ou vingt livres par an, ce qui n’est pas si mal quand on a pas mal de boulot.

La politique des simples.

Pour autant, maintenant, je ne vois plus que les allures négatives de ces business trips. Enfin pas tout le temps, mais presque toujours. Avant-hier, en montant dans le car pour Ningbo, je me suis retrouvé une rangée devant un petit vieux qui, à la mode locale, tenait à la main une radio portative qui brayait des chansons aussi émouvantes que celles qu’on entend dans les restaurants chinois en France, dans les ascenseurs, ou en fond dans les rayons des supermarchés : c’était de l’inbuvable soupe. Immédiatement, je me suis crispé : il y a trois heures trente de route pour se rendre à Ningbo, et je me voyais mal supporter cette honte à Mozart pendant un laps aussi long. Dieu merci, j’avais pris la précaution d’emmener un casque, que j’ai pu brancher sur ma tartine Samsung, couvrant ainsi les désagréables décibels par l’intégrale de Scott Joplin. J’aime beaucoup Scott Joplin : au-delà des tonalités, entre jazz et fanfare, les sonorités du piano me donnent le sentiment d’évoluer dans un film muet hollywoodien des années 20, période cinématographique dont je m’extasie de la spontanéité disparue. Bref, m’enfermer les oreilles sous les écouteurs hermétiques au raffut extérieur, c’était, dans ce cas précis, un refuge.

En plus le trajet jusqu’à Ningbo est devenu assez désagréable : le premier car, partant à 7 heures 20, n’est plus direct, mais fait une halte à Wujiang. La durée du transport est donc passée de deux heures trente à presqu’une heure de plus : on arrive à 11 heures au lieu de 10 heures 10. Le temps de me rendre à l’usine en taxi –après avoir passé la sortie de la gare, où tous les chauffeurs, comme des abeilles attirées par le miel, me sautent dessus pour me proposer la course-, et, alors que je me suis levé vers 5 heures 30 du mat, je peux enfin commencer à bosser sur la chaîne de production vers 11 heures et demie…

La politique des simples.

Mais même là, alors que, depuis six heures que je suis debout et dans les transports, je m’impatiente à pouvoir bosser, avec les chinois, ça n’est pas possible : ils sont très à cheval sur les horaires des repas, au point que c’en est obsessionnel. On dirait qu’ils sont programmés pour ne manquer aucun repas. Je dis toujours en plaisantant que le seul argument qu’un chinois pourrait avancer pour sauter un déjeuner, c’est l’extrême onction. C’est tout à fait représentatif. Et à peine suis-je arrivé, que je suis happé par les fournisseurs qui m’accueillent, et qui m’imposent d’aller manger, car c’est l’heure. Et si je leur explique que, fort de ce long voyage, j’aimerai enfin pouvoir démarrer ce pour quoi je suis là, à savoir travailler, ils ne comprennent pas : c’est l’heure du déjeuner, il n’y a sur l’instant rien de plus important, il faut aller manger ; tout autre paramètre, prétexte, excuse, raison, est complètement flouté, censuré, oublié. Il y a encore quelques années, ça m’éreintait au plus haut point. Après de fastidieuses heures de transport, alors que j’avais bien du pain sur la planche, on m’obligeait à rester assis à table pendant d’interminables déjeuners, où je devais les regarder manger avec lenteur et délice, prostré que j’étais, tremblotant nerveusement de la jambe, me rongeant les ongles, regardant stressé la trotteuse trotter, me demandant si j’aurai le temps, après le repas, de faire le travail qui était la seule raison de ma présence sur place, et de rentrer chez moi le soir même, ou bien si j’allais devoir passer la nuit à l’hôtel, tout ça du fait d’un déjeuner éternel dont je me foutais éperdument.

Sur le principe, c’est bien évidemment eux qui ont raison : pour bien travailler, il faut être en bonne santé, et pour être en bonne santé, il faut être vigilant quant à son alimentation. Figurez-vous que je m’y suis fais, au point que maintenant, je sais très bien que j’irais manger en arrivant et que, sans attendre ce moment avec impatience, j’y vois, à la façon chinoise, un important moment, qu’il me faut savourer tout en trouvant un équilibre avec le temps a posteriori dévolu au travail. Le travail est un rituel. Le repas aussi. L’un, sauf urgence, ne nuit pas à l’autre, bien au contraire. Et je ressens dorénavant le déjeuner comme un impératif énergétique pour pouvoir bosser efficacement. Bref, sur ce point tout du moins, je suis devenu chinois. Et ça me va bien.

La politique des simples.

Caili en profite d’autant mieux qu’étant chinoise, il lui parait tout aussi inexécutable de passer outre un repas, quelle que soit l’urgence des raisons professionnelles qu’on pourrait lui avancer. Il en va de même pour le fournisseur, tout autant chinois, et donc lui aussi livré avec une horloge dans l’estomac. Je repense avec le sourire à Xiao Fan, l’un d’entre eux.

Xiao Fan est un jeune patron d’usine. La trentaine motivée, respectueux du client, mais hélas piètre fabricant, Xiao Fan ne sait livrer que des produits de qualité très moyenne, malgré son indéfectible honnêteté. Il y a juste une limite technique qu’il n’a pas réussi à faire dépasser à son outil de production, par manque de compétence dans le domaine. Quand je travaillais avec lui, je n’avais pas le choix : chaque fabrication nécessitait ma présence tout le long du processus. Car systématiquement, on découvrait des malfaçons que, malgré toute la préparation minutieuse dont nous avions fais preuve à son égard, nous n’avions pas réussi à envisager. Et à chaque fois, Xiao Fan refaisait, avec un sourire pétri de gêne, tout en se confondant en obséquieuses excuses. J’ai du arrêter de lui acheter : les réparations constantes des produits, alors qu’ils n’étaient même pas sortis de l’usine, ont fini par lui couter trop cher. Moi, de cette situation, j’étais très souvent livré trop tard. Personne n’y trouvait son intérêt.

Son usine était dans un tel état de vétusté que je m’étais interrogé avec perplexité lors de ma première visite, me demandant s’il payait bien un loyer, ou bien s’il n’avait pas plutôt squatté la ruine avec ses machines et ses ouvriers ni-vu-ni-connu-j’t’embrouille. En Chine, honnêtement, on ne sait jamais. Quand j’ai eu l’assurance que ce n’était pas le cas, ma deuxième interrogation a été de me demander quand l’administration se déciderait enfin à détruire le bâtiment décrépi. Elle l’a fait six mois plus tard, obligeant Xiao Fan à déménager.

La politique des simples.

Toujours est-il que, pour compenser la défaite psychologique qui concluait chacun de mes contrôles qualité, Xiao Fan se vengeait sur la bouffe. Il était arrondi, sans être gros, et en conséquence du stress, il lui était encore plus inimaginable que n’importe quel chinois de sauter un repas. Avec moi, ça ne lui posait pas de problème : compatissant, je l’accompagnais sereinement quand il lui était devenu impératif de bâfrer. Mais ce n’était pas la même chose avec un autre de ses clients, un italien qui vivait à Shanghai. Tout d’abord celui-ci était un gueulard, et pas qu’avec les mains. Et comme il constatait autant de problèmes que j’en rencontrais, il hurlait beaucoup. Ensuite, il fonctionnait à l’occidentale, sautant le repas du midi pour se concentrer sur les défauts dont souffrait la marchandise en cours de production. Xiao Fan n’en pouvait plus : non seulement culturellement il n’était pas habitué à se priver d’un déjeuner, mais en plus on lui interdisait le seul palliatif qu’il avait trouvé aux difficultés professionnelles. Et la veille de chaque passage de l’italien, il prévenait son staff : « mangez jusqu’à l’explosion lors du petit déjeuner, car avec ce client-là, que vous creviez de faim ou non, vous ne remangerez qu’au dîner ! ». Et lui-même, par sécurité, m’avouait commencer à se surcharger dès le souper de la veille.

Que ce soit en déplacement ou non, Caili me trouve très regardant quant à la cuisine chinoise. Je trouve cela à moitié vrai. Certes j’ai passé l’âge de l’expérimentation depuis quelques années déjà, et ne saute plus sur la moindre saloperie exotique, comme toutes celles que j’ai ingérées dans ma jeunesse. A l’époque je le faisais plus par goût du défi que gastronomique. Ainsi en Chine avais-je testé le chat, le chien, la patte de singe, et le serpent. J’en oublie certainement. Les deux plus abominables souvenirs gastronomiques me concernant sont la tortue vivante, et la fondue d’anguilles. Je crois bien que ce sont les deux seules fois de ma vie où j’ai manqué de vomir à table.

La politique des simples.

Pour la fondue, c’était en 1998 ou 99, à côté de Shunde, dans le grand sud chinois. J’y allais là aussi pour un contrôle qualité. Je m’entendais bien avec le gros Albert, le patron de l’usine. Sympathique et débonnaire, il avait, comme tous les ronds placides, un goût prononcé pour tout ce qui était bon au ressenti, mais mauvais pour la santé : il pouvait tout aussi bien se soûler largement avec des piquettes qu’avec des nectars, et un repas avec lui n’était qualitatif que s’il était quantitatif. Moi, c’était l’époque où, jeune et fraîchement envoûté par la différence, j’étais tombé amoureux de la Chine comme jamais je n’avais aimé la France. Tout, dans ce pays que je découvrais un peu plus superficiellement à chaque voyage, m’invitait à une passion démesurée. C’est de là qu’est venu mon désir d’expatriation. Et évidemment, cet amour étant communicatif, à chaque fois que j’allais à Shunde, le gros Albert me recevait dans son usine à grands renforts de déjeuners emphatiques, quelque part en remerciement pour la passion que j’éprouvais pour son pays. C’était une façon aussi, peut-être, de ne pas me décevoir. Or un jour, sachant que j’allais venir, il avait commandé au cuistot de l’usine une fondue spéciale, pour VIP passionné, dirais-je. La fondue chinoise pourrait se résumer à un bouillon merveilleusement parfumé, parfois épicé, dans lequel on plonge divers aliments pour les faire cuire : viandes, légumes, poissons, tofu, tout ce qui peut se manger, on peut l’y plonger. Le caquelon lenticulaire au diamètre gigantesque qui contient le frémissant bouillon est posé au centre de la table, les convives s’arrondissent autour, en faisant un repas des plus chaleureux. Dans le cas présent, il s’agissait d’une fondue de fruits de mer. J’ai horreur des fruits de mer. Mais ce n’était pas le pire. L’effroi est survenu quand, s’en léchant les lèvres, Albert a apporté le met de résistance depuis la cuisine enfumée : des tronçons d’anguilles crues, sanguinolents, posés dans un plat argenté somptuaire, riche contenant avérant de la préciosité du contenu. Et ce qui a manqué de me faire chavirer, c’est de voir que, fraichement découpés, les tronçons d’anguilles bougeaient encore ! J’ai eu un hoquet nauséeux qui m’a coupé instantanément et irrémédiablement l’appétit. Ca a été encore pire quand Albert a jeté tous les morceaux de poiscaille, dégoulinants d’hémoglobine, et encore épris d’agitations nerveuses, dans le bouillon épicé. A l’époque, je faisais contre mauvaise fortune bon cœur –au bord des lèvres-, et n’osait pas refuser. Mais pour pouvoir faire passer l’effort digestif à avaler cette anguille encore vivante l’instant précédant mon absorption, il m’a fallu quelques verres de baijiu bien tassés… Et l’après-midi consacrée au travail s’en est retrouvée bien joyeuse, même si un peu migraineuse. D’avoir si peu pu manger, et d’avoir autant bu, le soir j’étais affamé.

La politique des simples.

Maintenant, cette réaction, emprunte de tolérance, d’acceptation d’une autre conception gastronomique sous prétexte qu’elle est différente, me serait tout bonnement impossible. Je m’excuserais poliment, mais mon dégout serait inévitablement palpable, et de manière si démonstrative qu’il ne pourrait qu’offusquer le fournisseur qui m’invite. Pour autant, je n’y peux plus rien. Je n’arrive plus à faire l’effort. Alors je les laisse manger ce qu’ils aiment, les incite à en profiter avec le délice qu’ils souhaitent, et plus aucune raison, qu’elle soit liée à l’ouverture d’esprit, à la politesse, ou au respect, n’est suffisante pour me forcer à ingurgiter toutes ces saloperies.

Mon deuxième effroyable souvenir culinaire en Chine remonte à onze ou douze ans peut-être. Je ne connaissais pas encore Caili à l’époque, et je travaillais pour le compte d’une usine chinoise fabriquant des cadres décoratifs en bois. Je suis resté bon ami avec le patron, un chinois de mon âge, qui est un des rares locaux pour lesquels ma confiance n’a jamais été trahie, et est restée, une décennie après que j’ai démissionné, pleine et entière. Nous visitions de fournisseurs de verre, matériau impératif pour agrémenter l’intérieur de nos cadres. Un soir ils nous avaient invités dans un restaurant bondé, et l’un des plats qu’ils avaient commandé était une sorte de soupe laiteuse dans laquelle surnageait une tortue dont ont avait arraché la carapace. Les convives saisissaient adroitement avec leurs baguettes des morceaux de viande, sur le dessus de l’animal. J’ai été saisi d’une frayeur au bord de l’évanouissement quand je me suis rendu compte que, malgré que j’ai cru sur la seconde à une hallucination, l’animal était encore vivant… L’horreur a été telle que je n’ai pas pu prendre le temps de m’excuser, je me suis levé, la mine contrite par l’épouvante, en hurlant que c’était la barbarie de trop, et que je rentrais directement à l’hôtel. Certains convives ont éructé des rires suite à ma réaction, qu’ils ont du assimiler à la pudibonderie d’une fillette, d’autres se sont sentis embarrassés par ma gerbe. Je n’ai pas pu avaler quoi que soit le soir même, et jusqu’à l’endormissement sous la couette, je me suis senti nauséeux. Dès lors, c’était devenu une plaisanterie avec mes collègues. Car quand on parlait d’aller manger ensemble, je leur disais « avec plaisir, et je pourrais déguster à peu près n’importe quoi… Seul petit détail : il faut que la nourriture arrive morte à table ». On peut être épris de tolérance culturelle, pour autant, on ne peut que fustiger une telle abomination : le pauvre animal se faisait tout de même bouffer vivant.

La politique des simples.

Je ne fais que stigmatiser là des extrêmes, au point que c’en est honteux : l’intégralité de la gastronomie chinoise est diamétralement opposée à ces exemples particulièrement anecdotiques tant ils sont rarissimes. D’ailleurs ce sont un peu les seuls, en bientôt vingt ans que je voyage ou vis en Chine, que je puisse relater. Les amalgamer avec une cuisine qui, à mes yeux, reste une des plus riches, une des plus variées, une des plus savoureuses au monde, serait d’une stupidité sans nom. Et même si j’ai un peu ras-le-bol parfois de manger chinois quotidiennement –malgré que Caili cuisine fantastiquement bien-, il me faut reconnaitre, honnêteté intellectuelle oblige, que nous autres français, tout auto-pétris que nous nous soyons proclamé « pays de la bonne bouffe », nous restons de risibles petits joueurs en comparaison de l’Empire du Milieu. Ce qui me fait sourire, c’est que les dépositaires du bon goût gastronomique à la française, autistes de leur soi-disant supériorité, croient encore, sans jamais avoir foutu l’estomac ici, que les chinois mangent du chien. Or ils ne le mangent pas : ils le savourent… Mais rarement : en douze ans ici, on ne m’a jamais servi le moindre cabot à table. Si j’en ai mangé, c’était parce que je l’avais demandé, par absurde goût de l’exotisme, lors d’un de mes voyages en Chine, a priori de mon expatriation. Et puis, comme dans chaque culture, on reconnait les abominations dans celle de l’autre, mais assumons la normalité de la sienne. Ainsi les français ne s’interrogent pas sur les souffrances subies par les canards gavés jusqu’à la cirrhose quand ils dégustent leur foie gras, mais salivent à l’idée d’avaler des limaces en coquille. Je ne vois pas en quoi le ragout de toutou est plus ragoutant, et à l’échelle de la Terre, on est tous le barbare d’un autre.

La politique des simples.

De mémoire, je n’avais pas beaucoup aimé le chien. C’était il y a bien longtemps, avant le passage de millénaire. J’avais poussé des collègues chinois, à Shanghai, à m’emmener dans un restaurant qui avait le clébard à la carte. Le plat était rissolé dans une sorte de marmite, et les morceaux de viande étaient plein de petits os. Ce n’était ni confortable en bouche, ni très bon au goût. Mes collègues eux-mêmes n’avaient pas apprécié. Ils avaient commandé le plat pour me faire plaisir, et à ma seule demande. Les os dans la viande, les chinois ont l’habitude. S’il n’y a pas un peu de gras et quelques os, ils trouvent que le maigre seul n’a pas vraiment de gout. Moi, j’ai horreur de ça, je suis trop feignant et malhabile pour faire effectuer des révolutions à mes morceaux de bidoche en bouche, tout en ôtant les os avec la langue et les dents. Les chinois y arrivent très bien, avec une adresse infinie. Même moi qui ai l’habitude de les voir manger des crevettes, tout en recrachant leurs carapaces après avoir mis au palais le crustacé entier, je n’ai pas percé le secret de leur dextérité buccale.

J’ai mangé une patte de singe aussi, une fois. Enfin, manger, c’est un bien grand mot. C’était à Zhuhai, ville frontalière avec Macao, avant que l’ancien protectorat portugais ne soit restitué à la Chine, peu ou prou à la même période que le ragout de toutou shanghayais. A l’époque, Zhuhai n’était pas la grande ville clean qu’elle est depuis devenue, mais plutôt une sorte de chaos chaud et humide, où la vie explosait de lumière, le tout dans une désorganisation assourdissante totale. Et c’est cette atmosphère, que je conspue avec arrogance dorénavant, qui m’a pourtant fait tomber amoureux du pays à l’époque.

La politique des simples.

Nous étions dans la rue, avec mon ancien patron. On crevait de chaud, on saturait de moiteur. Il m’a montré en souriant un vendeur de victuailles rôties, qui faisait ses grillades sur un barbecue de fortune, posé sur le talus. Et j’ai vu ces pattes, qui ressemblaient à s’y méprendre à des mains humaines, hormis la taille, comme caramélisées et mises en brochettes, pour être rôties sur du charbon. Par gout du challenge, j’en ai acheté une, ai croqué dedans par deux reprises, puis l’ai abandonné. Au-delà de ne pas avoir une saveur autre que celle du caramel, il y avait une âpreté qui m’a fait peur : je ne voulais pas être malade.

Evidemment, je ne gouterai plus toutes ces choses-là, et la dernière fois que je suis allé à Pékin, où, aux étales du marché Wangfujing, on peut acheter des brochettes de vers, de cafards, de scorpions, de sauterelles, j’ai passé mon tour. Ma mère, elle, par contre, mourrait d’envie de gouter –j’avais emmené mes parents visiter la capitale pendant quelques jours- ! Mais j’avais trop peur qu’elle ne soit malade pour l’y inviter…

Hormis tous ces détails aussi ignobles que peu représentatifs, la gastronomie chinoise est une de mes préférées. Au gout, je préfère les cuisines italiennes et japonaises. Mais en comparaison, elles manquent tellement de diversité, que je m’en lasserais certainement plus vite si je vivais en Italie ou au Japon. Encore la semaine dernière, quand nous étions en villégiature à Qiandaohu, j’ai découvert une façon d’assaisonner les patates, qui m’était inconnue, et qui m’a ravi à un point que je n’aurai jamais pu imaginer… Aussi absurde que cela puisse paraitre. Il ne s’agissait pas d’un ingrédient exotique ou rarissime. Il s’agissait de bêtes pommes de terre.

La politique des simples.

Et puis il n’y a pas une cuisine chinoise, mais une multiplicité de gastronomies, provinciales, voire parfois municipales. Ainsi ma préférence ultime est pour la cuisine arrache-gueule du Hunan. Je trouve que, nonobstant le feu en bouche, c’est à Changsha que j’ai le mieux mangé en Chine. Je me souviens de repas où je me suis enquillé, sans sourciller, sans m’enivrer, dix bouteilles de bière –les bouteilles chinoises font 75 centilitres- du fait du piment parsemé dans les mets. Mais si les plats n’étaient qu’épicés, je me serais arrêté au premier, et donc à la première bière –bon d’accord, à la seconde-. Si j’ai bu autant, c’est que j’ai mangé bien plus, oubliant l’infernale souffrance piquante pour le bonheur de saveurs insoupçonnées. La bouffe du Hunan est peut-être la meilleure au monde. Derrière, je positionnerai celle du Xinjiang, qui se rapproche de la cuisine arabe. La gastronomie cantonaise, pourtant fortement réputée, n’est, me concernant, pas ma préférée en Chine.

Mon plat favori, en Chine, c’est le huoguo, ou fondue chinoise. Comme quoi, aussi atroce qu’ait pu être cette expérience avec les morceaux d’anguilles ayant encore des réactions nerveuses alors qu’on allait les cuire pour les manger, celle-ci n’a peut-être pas été aussi traumatisante que le paragraphe concerné aurait pu le faire penser.

La politique des simples.

Le huoguo, c’est top, et ce pour plusieurs raisons. En fait, le huoguo est un repas complet, tout aussi convivial qu’individualiste. Un huoguo, en fait, doit s’envisager comme l’amour physique, aussi extrême que la métaphore puisse paraitre. Il n’y aucune connotation érotique, et encore moins d’obscénité, dans ce comparatif. On atteint le firmament du plaisir à deux que dès lors qu’on connait le binôme, et donc rarement la première fois. Le huoguo, du point de vue de la jouissance, gustative, doit s’aborder de façon idoine -et la comparaison s’arrête là- : il existe plusieurs bouillons, épicés ou non, avec le cadavre surnageant d’un poisson ou non, et cela peut plaire à certains, mais pas à d’autres. C’est la même chose pour les aliments que l’on va plonger dans le bouillon : selon qu’on soit fruits de mer ou viande, on n’aborde pas le huoguo dans la même optique. Pour couronner le tout, le huoguo est presque systématiquement accompagné de sauces qui vont de la simple huile assaisonnée de coriandre jusqu’au mélange beurre de cacahuètes et sésame, aux saveurs complètement diagonales. Et si vous êtes amateur avéré de huoguo, mais avec une sauce cacahuètes et sésames, et qu’on se contente de vous l’assaisonner à l’huile, vous n’en profiterez pas. C’est pour cela que pour savourer véritablement et pleinement un huoguo, il faut connaitre les personnes avec lesquelles vous allez le partager, et ce qu’elles aiment. Ainsi vous serez certains de trouver un équilibre dans la sélection du bouillon, des aliments, et de la sauce. Assouvissant votre plaisir égoïste, vous pourrez le partager de manière conviviale, à deux, ou à plus. Nous, nous avons résolu le problème : nous avons acheté sur Taobao le matériel nécessaire à la préparation, à la maison, d’un huoguo qui n’a rien à envier à celui qu’on trouve dans les restaurants. Nous savons très exactement où acquérir chacun des ingrédients, pour avoir travaillé sur la question dans un crescendo de préliminaire. Et au final, la frustration n’existe pas, car toutes les victuailles posées sur la table, nous le savons d’avance, vont satisfaire tous les convives. En fait, c’est grâce aux enfants que nous nous sommes équipés : savourer longuement un huoguo au resto quand on doit surveiller des bambins qui courent dans tous les sens, à proximité des réchauds au butagaz made in china et des marmites de bouillons à 80 °C nous a résolus à envisager un achat domestique, plus relaxant, et plus sécurisant.

La politique des simples.

Tout ceci est juste une incartade, purement gastronomique, puisque j’évoquais les contrôles qualité effectués pour Onesource, et les exotiques pérégrinations qu’ils constituent. Et au-delà de ce préalablement barbant impératif de manger aux horaires consensuels, je voulais surtout dire que je reprenais du plaisir à me promener dans la Chine précaire, pour régler des problèmes de production qu’on ne peut résoudre le cul assis derrière un bureau. Car pour cela, il n’y a pas le choix : il faut être sur place. Je ne vous dirais pas le contraire : ça paye le loyer.

Sans m’en rendre compte, ce qui devait me peser le plus, c’était de me rendre à ces contrôles qualité en usine tout seul. Je ne l’avais pas réalisé, et croyais que c’était l’idée d’aller en Q.C. –pour Quality Control, angliciste plus usité dans la profession que le terme franchouillard de « contrôle qualité »- qui m’était devenue éreintante. Et c’est pour ça que j’avais proposé à Caili de m’accompagner : elle aurait ainsi vu de quelle façon s’y prendre, et aurait pu gérer le prochain contrôle seule, sans que je ne l’accompagne. Mais dès lors qu’elle a commencé à se déplacer à mes côtés, je n’ai plus ressenti le poids et l’ennui de ces trajets longuets et inconfortables. Peut-être en fait que les Q.C. ne m’ont jamais dérangé, mais que ce qui a fini par me fatiguer, c’est de m’y rendre seul.

La politique des simples.

Et qui plus est, fruit certainement de son pragmatisme culturel typiquement chinois, il y a quantité de situations où, même si c’est moi qui décèle le problème plutôt qu’elle, c’est malgré tout elle qui trouve la solution, souvent inattendue dans la démarche. Il faut dire que se creuser les méninges pour obtenir un résultat satisfaisant l’excite au plus haut point. Et Caili, et j’en ai déjà fais état, adore prendre la direction des opérations, en toutes circonstances, parfois même sans que son entourage ne s’en rende compte. C’est très agréable pour moi, car professionnellement, dans le cas de productions difficiles, j’ai vraiment le sentiment que tout ne repose pas uniquement sur moi, et qu’on peut mettre en commun nos idées pour trouver une solution. Elle en est à un stade où elle souhaite même, par défi personnel, que je reste assis dans mon coin, et que je la laisse opérer. Elle se contente, après avoir démêlé l’écheveau auprès des ouvriers, de me donner le résultat des courses.

C’est arrivé pas plus tard que la semaine dernière. L’usine butait depuis des semaines sur un problème ne paraissant pas insurmontable, lié à une bête histoire de couture. En fait elle ne butait pas sur le problème. C’est surtout que l’industriel, eu égard aux faibles volumes fabriqués, ne voulait pas s’en soucier. Pour lui, le calcul s’arrêtait au monolithisme suivant : les quantités étant faibles, il était tout à fait acceptable de livrer un produit qui se serait brisé à la première utilisation, puisqu’eu égard au volume, même si les consommateurs avaient tous retournés leur produit à mon client, et que celui-ci, faute de pouvoir les réparer, avait du les jeter, ça restait ridicule financièrement. Pour quiconque qui a un peu le sens du commerce, et surtout un brin d’honnêteté, le raisonnement est tétanisant. Car il omet qu’on veuille vendre une deuxième fois à un client, ou bien qu’on veuille capitaliser sur une marque, ou encore tout simplement qu’on se sente incapable d’arnaquer un consommateur, en lui vendant un produit qu’on sait pertinemment défectueux. Ici, ces paramètres ne rentrent pas en ligne de compte. Les usines, du moins celles qu’on qualifierait de « traditionnelles » -entendez pas là, à la direction vieillotte et roublarde-, ne voient une affaire qu’à travers ce qu’elle leur rapporte, et ne s’interrogent pas sur le résultat impératif à obtenir.

La politique des simples.

Souvent, chez ces pingres-là, on entend des discours abscons. Et nous y avons eu droit lors de ce contrôle, alors que, encore une fois, le problème à résoudre paraissait fastoche à surmonter avec un peu de bonne volonté et de jugeote. Disposant de l’échantillon original envoyé par mon client, où le problème n’apparaissait pas, j’ai pu prouver à l’agaçant entrepreneur que techniquement, c’était possible. Du bas de son QI abyssal, il a osé me répondre « oui, mais c’est un produit qui vient de France. La qualité est bien meilleure. Et pourtant je ne suis pas mauvais. Si moi je n’y arrive pas, personne en Chine ne peut le faire ! ». J’ai évidemment pouffé de tant de mauvaise foi, lui rappelant sans m’énerver –c’est suffisamment rare pour être noté, mais je me rends compte qu’à part me détendre, ça ne règle rien-, que « si la Chine réussit depuis une décennie à envoyer des bonshommes dans l’espace, un patron d’entreprise renommée tel que toi réussira bien à régler un bête problème de couture, pour peu qu’il soit un peu intelligent ». Il n’a pas su quoi répondre. Pour autant il en est resté de marbre, et n’a bien évidemment rien fait. En Chine, les arguments ne sont pas suffisants pour réussir. J’aurai presque tendance à dire que dans la plupart des cas, ils ne servent à rien. Ce ne sont pas eux qui sont déterminants dans la capacité d’action des gens. Ce qu’il faut, c’est sentir au préalable de la collaboration si le gars en face est honnête, et s’il est prêt à se défoncer pour remplir le contrat moral passé. Ou alors, il faut avoir le pouvoir, pour les y contraindre. Et ici, celui qui a le pouvoir, c’est celui qui paye.

Je suis optimiste, mais c’est un grand défi pour la Chine de demain. Car fort de cette incapacité intellectuelle qu’ont les usines à voir plus loin que le bout de leur nez, les occidentaux qui travaillent avec les chinois sans les connaitre, résument la mentalité chinoise à celle de voleurs malhonnêtes qui veulent arracher le maximum d’argent à leurs clients, quitte à livrer des produits qui ne fonctionnent pas. Et nombreux parmi eux sont ceux qui ne comprennent pas que les chinois réagissent mieux avec une carotte qu’un bâton.

Et si on ne représente pas une affaire suffisamment juteuse, le fournisseur a le sentiment qu’il la prend malgré tout à seul fin de nous être agréable. Dès lors, notre affaire devient une épine du pied dont il doit se débarrasser sans y passer un long moment, quitte à ce que le service rendu soit finalement une couteuse opération, avec une livraison invendable tant la qualité est inadmissible, le fabricant n’y ayant pas passé le peu de temps nécessaire pour la finaliser correctement.

La politique des simples.

J’ai le cas de manière récurrente pour Jingwei Shop, mon autre société, qui, étant encore en période de démarrage, s’approvisionne en Chine de toutes petites quantités sur certains produits. Les chinois sont tellement habitués à brasser du volume que sur la vingtaine de fournisseurs auprès desquels nous nous approvisionnons, si demain je cessais l’activité, aucun d’entre eux ne me rappellerait pour me relancer et savoir pourquoi je ne passe plus de commande. Je suis trop petit. Je ne les intéresse pas. Ils me livrent parce qu’ils n’osent pas dire non. Ils me livrent parce qu’ils se sentent obligés, parce que ma femme les appelle régulièrement, et qu’elle se fatigue à insister sur le ton de la plaisanterie ironique. Ils me livrent aussi, pour la plupart, parce qu’ils sont sympathiques, et pour d’autres, parce que me rendre service leur donne du prestige, de la « face » comme les pseudo-exégètes de la sinologie aime à tartiner à tire-larigot : la « face », cette entité mystérieuse, indéfinissable, mais dont l’exotisme excite l’imaginaire littéraire et commerçant autour de la Chine d’aujourd’hui, ancrée dans ses traditions d’hier ! En fait ça n’a pas grand-chose à voir avec la face, je pense. Nous livrer ne leur procure aucun prestige social, nous ne sommes même pas connus, et ils ne peuvent revendiquer leur gentillesse auprès de quiconque. C’est juste que ce sont des gars sympas, et le constat, pour un fois universel, s’arrête là.

Pour le compte de cette autre société, parmi presque deux cent références, ce qui est plutôt copieux, nous achetons des boites en bois, avec un manche, en bois aussi. Systématiquement, du fait de nos petits volumes, et du peu de considération dont fait preuve le fabricant à notre égard, nous sommes obligés de vérifier 100% de la marchandise. Avec 50 de ces boiboites, nous arrosons nos clients pendant un an. En termes de vente, ce n’est pas un bon produit, mais il est bon de l’avoir pour consolider une gamme. Mais avec 50 pièces, au-delà de toute considération liée à l’honnêteté, comment voulez-vous que le fournisseur, qui en fabrique 500 par jour, considère notre marché autrement qu’avec dédain ? Pour nous, sur ce produit, c’est beaucoup. Pour le fournisseur, c’est négligeable. Même s’il refusait de nous vendre, ça ne changerait rien pour lui. Aussi inimaginable que ça puisse être envisagé depuis la France, où les canaux de distribution sont clairement balisés, et où la conjoncture fait qu’on ne peut valoriser de haut toute affaire potentielle, par peur d’un lendemain encore plus austère, ici, quand on est petit client, on a le sentiment constant d’être à la merci du bon vouloir des fournisseurs à nous livrer correctement ou non. C’est là, autre point spécifique à la Chine, que le relationnel est important…

La politique des simples.

Dans le cas de nos boites, la dernière livraison était innommable : tous les manches étaient soit moisis, soit tordus, soit cassés, soit, au mieux, fêlés. Et dans tous les cas, aucun n’était décemment vendable. Caili a rappelé le fournisseur, qui, même s’il s’en est excusé, a accueilli notre demande de remplacement des manches dans un soupire : « vos quantités sont si petites, et vous insistez pourtant tellement sur la qualité. Votre niveau d’exigence est trop élevé pour si peu ».

Or dans la logique occidentale, ce n’est pas parce qu’on en commande peu qu’on doit être livrés de produits inexcusables. Dans l’esprit de l’entrepreneur précité, il aurait fait attention à la qualité si la quantité, et donc l’argent que ça lui rapportait, le justifiait. Même s’il continue de m’estomaquer après deux décennies d’achats en Chine, ce pragmatisme, parfaitement sans-gêne, et ouvertement dénué tant de scrupule que de considération, force tout de même le respect, tant il est naturel au sein de l’Empire du Milieu. Et c’est une généralité, même si les exceptions ne sont pas rares. Mais pour autant elles restent si minoritaires que quand on tombe sur un commerçant un peu honnête, qui se soucie de sa démarche plutôt que de son enrichissement, d’un coup, le gars rayonne d’une sorte d’aura positive telle que les superlatifs pour qualifier sa droiture extrême nous manque. Alors qu’en Occident, ce respect du client, petit ou gros, reste de mise de manière majoritairement automatique.

Et au final, pour notre histoire de boites bois, il a fallu lui racheter des manches –nous les avons donc payés deux fois-, car pour si peu, il ne souhaitait pas demander à un de ses ouvriers de passer gratuitement une partie de son temps de travail à sélectionner en stock des manches qu’on qualifierait, en Occident, de normalement acceptables. Par sécurité, nous en avons acheté un peu plus, histoire de nous couvrir si parmi cette seconde livraison, il y avait à nouveau des manches mutilés. Avant de raccrocher, le fournisseur a conclu auprès de Caili que si nous conservions à l’avenir le même niveau d’exigence, il aurait du mal à nous fournir, sous-entendu qu’il n’en prendrait plus le temps. Evidemment, je fumais, et ai clamé que c’était la dernière fois que nous lui achetions, et que nous allions changer de fournisseur dès la prochaine commande. Même si nous y travaillons, il y a de fortes chances que ce soit la même chose avec le prochain fabricant… Jusqu’à ce que nous soyons assez gros pour capter son attention.

La politique des simples.

Je doute que les dizaines de tomes de la plus complète des encyclopédies suffisent à lister le contenu du gouffre d’incompréhensions qui sépare, du seul point de vue professionnel, les chinois et les occidentaux. A mon sens, si les méthodes de travail, et l’approche de tous les concepts connexes au commerce, tels que l’argent, la réussite, l’honnêteté, la qualité, la quantité, l’organisation, le long-terme, la hiérarchie, la crédibilité, l’abstraction ou le pragmatisme, diffèrent autant, c’est somme toute réductible à deux raisons : la culture, et le niveau de développement.

Pour ce qui est du niveau de développement, c’est assez simple : on ne peut pas demander à quelqu’un qui a du travailler très dur pour s’extraire d’une pauvreté extrême de devenir du jour au lendemain d’une honnêteté telle qu’elle pourrait potentiellement le replonger dans la précarité. Je pense qu’il faudrait faire preuve d’une arrogance aussi déplacée qu’indécente pour prétendre que, culturellement occidentaux que nous soyons, nous réagirions différemment si nous avions connu une misère idoine à celle que ces chinois-là ont traversé.

L’instinct de survie a le dessus sur la moralité. C’est humain.

Lié au niveau de développement, surgit le problème du niveau d’éducation, encore très faible en Chine. La grand-mère de Caili, qui est de la génération de mon Papa, ne sait ni lire ni écrire ni compter. Mon père, en comparaison, est ingénieur. Car il est né et a grandi dans un pays développé où accéder à ce niveau académique est tout à fait envisageable pour quiconque qui a les capacités équivalentes. En Chine, à l’époque, on vivait dans des maisons aux murs en terre cuite et aux toits de chaume. Ce n’est pas une métaphore pittoresque, mais un constat du passé : alors que j’ouvrais des yeux ronds comme des billes, mon beau-père nous montrait une de ces maisons il y a quelques mois, nous expliquant les progrès atteints depuis.

La politique des simples.

L’homme de la rue, ici, en est encore à un stade où, même si dans de très nombreux cas il n’est plus analphabète, son niveau intellectuel, fruit d’un niveau d’éducation très bas, ne lui permet pas d’analyser une situation autrement que dans sa superficialité la plus évidente. Cette frontière, en affaires, est bornée par l’intérêt que le patron en dégage : il n’est tout simplement pas équipé pour penser au-delà. Et encore, la situation s’est largement améliorée. La première génération d’entrepreneurs que j’ai fréquentée, il y a bientôt 20 ans, était la première génération d’entrepreneurs chinois tout court : des cinquantenaires, anciens paysans ou ouvriers, qui n’étaient jamais allés à l’école, et dont la capacité intellectuelle était tellement primaire qu’ils ne percutaient sur rien, ne comprenaient pas ce qu’on leur expliquait ou ce qu’on leur demandait, même si c’était basique, se croyaient néanmoins supérieurement intelligents quand ils négociaient à coups d’arguments loufoques, et s’auto-satisfaisaient de leur intelligence étriquée, dont ils étaient volontiers convaincus de la géniale supériorité, tout simplement parce qu’ils s’étaient enrichis : la réussite ne pouvait qu’entériner leur indéniable suprématie, alors que la raison pour laquelle on venait leur acheter, ce n’était pas parce qu’ils étaient riches et brillants, mais parce qu’ils étaient miséreux et que leur travail ne coutait pas cher. Et ne croyez pas que, comprenant instantanément le discours simpliste de ces imbéciles heureux, on pouvait facilement les contrôler. C’était tout le contraire : raisonner quelqu’un d’intelligent n’est pas très difficile, surtout s’il est humble. Le vrai défi, c’est de raisonner un abruti, particulièrement quand il est arrogant : il ne comprend rien, et n’en fait qu’à sa tête, quel que soit le nombre de fois qu’on lui explique, quel que soit l’angle sous lequel on lui présente ce sur quoi on veut qu’il percute. L’objectif est donquichottesque, comme d’apprendre à jouer aux échecs à un enfant de deux ans : au mieux il se détournera dans un ennui profond, au pire il renversera toutes les pièces, sans avoir appréhendé quoi que ce soit de l’excitante subtilité ludique. Mais autant avec un enfant, s’il joue la forte tête pour le plaisir de tester les limites qu’il peut atteindre face à l’autorité, on peut le remettre dans le droit chemin en haussant le ton. Autant avec un abruti sur lequel on n’a aucun pouvoir, c’est impossible. Je ne pourrais dénombrer les fois où, pour contrecarrer les irréfutables preuves d’un manque de qualité sur un article commandé, un de ces industriels au QI light m’a revendiqué des mensonges éhontés ou des raisons absurdes, pensant, de bonne foi, que je serais suffisamment stupide pour y croire –il y a d’autres cas où les mensonges sont voulus, pour suggérer une situation délicate, plutôt que de l’admettre. Mais ce n’est pas ces cas-là que j’évoque-. Et parfois, on a le sentiment qu’ils le font pour le plaisir, très méridional, de discuter, de papoter, de débattre, sans réel objectif lié au contenu des affaires que nous traitons –peut-être sans même véritablement le comprendre-. Après, c’est leur bon vouloir plus que la pression qui détermineront ce qu’on obtient.

La politique des simples.

Ceci a tout de même fortement, et très positivement évolué. Je fais face dorénavant à des jeunes cadres dynamiques, la trentaine fraichement démoulée d’études supérieures, études qui n’ont pas pris le pas sur le pragmatisme impératif des affaires, fruit, cette fois positif, de souvenirs d’enfance pauvres en nourriture. S’ils n’ont pas les dents trop longues –ce qui, encore une fois, du fait de la misère totale en Chine il y a peu de décennies, est pourtant pardonnable-, ce sont des patrons avec lesquels faire des affaire prend un autre sens, généralement plus agréable. Le problème organisationnel subsiste, mais gageons qu’il se tassera avec le temps. Les chinois ont économiquement appris en même temps qu’ils ont fait. Dès lors que le cout de la main d’œuvre influera trop sur leurs profits, il y a de fortes chances que la productivité ne soit plus un concept abstrait, mais un impératif structurel.

Ce jour-là, à Ningbo, Caili a constaté la difficulté précitée, s’est assise, a réfléchi intensément, et est revenue avec une solution quelques minutes plus tard… Solution à laquelle personne n’avait pensé –ou plus justement, n’avait voulu penser-. Une fois de plus, même si je ne lui ai jamais montré, me ouatant dans mon arrogante lâcheté masculine, Caili m’a impressionné. Malgré tout, ça m’a échappé, et je n’ai pu m’en empêcher : quand elle a énoncé la méthode pour résoudre le problème, j’ai toisé le fournisseur en lui disant «  tu comprends pourquoi je l’ai épousé ? » sur un ton qui voulait dire «  t’as vu comment elle est forte, ma femme ?... Elle a tout de suite résolu un problème que tu n’as même pas cherché à comprendre ». Je ne sais pas s’il a réalisé l’intention derrière la tonalité. Mais toujours est-il qu’il n’a pas semblé s’en soucier.

Sans être à l’abri du besoin –très loin de là !-, et ce n’est pas dans ce sens-là que je voulais le mentionner, j’arrive à un âge où le temps devient plus important que l’argent. Les deux derniers jours ouvrés de la semaine dernière, nous aurions du les passer au bureau, aux côtés de nos enfants, puisque nous bossons de chez nous. Au lieu de cela, nous étions en usine, pour trouver des solutions techniques à la place d’employés autoproclamés « ingénieurs », tout ça parce qu’ils sont des paysans un peu bricoleurs –ce n’est pas une exagération, mais juste un constat. Ici l’étiquette prime-… Mais qui ne comprennent pas pourquoi un produit défectueux ne peut pas être livré, alors qu’on ne l’a pas payé cher. Sur le principe, je n’ai rien contre ces difficultés : je suis en partie rémunéré pour ça.

Cette relation qualité prix, qui a un sens partout à travers le monde, en a un encore plus marqué en Chine. Car il ne faut pas croire que ce discours est à destination des seuls clients étrangers. Entre eux, les chinois sont pareils. Ainsi, j’ai appris à mon désagrément, la première année de mon expatriation, qu’il ne fallait jamais acheter en supermarché le produit le moins cher : il se casse à la première utilisation. Ici, c’est tout à fait acceptable, puisqu’on ne l’a pas payé assez cher pour qu’il fonctionne. Avec perplexité, j’avais relaté à Caili le constat de cette piètre qualité des produits peu dispendieux. C’est elle-même qui m’en avait donné la raison, raison qui m’avait paru aussi absurde qu’elle lui avait paru justifiée.

Nous nous déplacions à Ningbo pour vérifier une commande comprenant cinq produits. La mise en place avait été fort longue, et les problèmes récurrents –alors qu’ils auraient du être réglés dès le premier signalement-, étalant la production sur presque deux mois. Fondamentalement, ce que j’escomptais, c’était me déplacer pour avaliser une marchandise qui n’attendait cela que depuis le nouvel an chinois. Nous avons passé la première journée à vérifier quatre produits sur cind, les acceptant finalement assez rapidement : en deux mois, au coup par coup, nous avions Dieu merci réussi à éliminer les problèmes. Mais le cinquième comportait une fragilité intolérable. Et rien que pour pouvoir la régler, nous avons du passer la nuit sur place, et trouver les solutions le lendemain. Tout cela pour, en résumé, un petit problème de couture, et de visserie. Je vous passe les détails, mais nonobstant l’image très aseptisée qu’on peut avoir de l’industrie, il nous a fallu visiter les quincaillers du tiers-monde, aux échoppes repeintes à la chaux, aux étagères branlantes de bois poussiéreux et moisi, aux produits antédiluvien amoncelés sans réel rangement, et à l’électricité se bornant à une unique et vieille ampoule, pour tout le magasin.

Mais pour trouver la simple visserie adéquate, nous avons passé une journée à Ningbo, de marché en marché, d’une usine à l’autre, d’un quincailler au suivant, pour tant comprendre les défauts, que pour y remédier, sans que la nouvelle visserie ne crée un nouvel écueil insoupçonné. Et nous y sommes arrivés, mais que d’énergie dépensée, pour au final si peu. La visserie standard, nous n’avons pas pu l’utiliser. Il nous a fallu trouver des gens capables de la travailler. Quel bonheur d’en discuter avec le particulièrement humble quincailler du coin, qui nous a emmené dans un atelier adjacent, y demandant à ses amis s’ils pouvaient nous dépanner. Et nous y avons bien passé une heure, dans les ténèbres de cet atelier, regorgeant de tournicotant ressorts de limaille de fer au sol. Quelle extase, pour moi, d’évoluer dans cet environnement, fait de cambouis, de parfums mécaniques, d’outils, d’inox et de rouille.

La politique des simples.

Des usines, en vingt ans de business avec la Chine, et encore plus particulièrement depuis dix ans que j’ai monté Onesource, j’en ai visité, peut-être à raison d’une par semaine. Sur le kilométrage, cela donne une idée du nombre. J’ai tout vu, de la plus aseptisée à la plus dégueulasse, de l’atelier le plus familial jusqu’à la chaîne de production aux proportions déshumanisées, des fabrications carrées, organisées, à celles faites sans le moindre bon sens, dans des appartements transformés temporairement en ateliers de confection. En devisant une usine de l’intérieur, si le risque est important, je sais l’évaluer de manière immédiate, tant les manquements à l’organisation sautent aux yeux quand on a roulé sa bosse. On voit le bordel si immédiatement qu’on se demande pourquoi le patron nous fait visiter l’usine. C’est tout simplement que cela lui parait naturel : ici, on dissimule souvent, et qui plus est de bonne foi, le manque de structure, derrière le chaos. Le leitmotiv, pour expliquer le bordel, c’est de dire qu’on est tellement débordé par le travail qu’on n’a pas le temps d’organiser les choses proprement. Et dans un esprit chinois, cette tartuferie est crédibilisante, car elle justifie la charge de boulot. Et j’en ai vu, des bureaux où s’amoncelaient des tonnes de paperasse, d’échantillons, de pièces détachées, et où les sols sales étaient jonchés de papiers gras, de mégots, de pris électriques dangereuses et calcinées. Et encore : on ne trouve plus les répugnants crachoirs cuivrés de saloon au pied des bureaux, comme c’était le cas quand j’ai commencé à voyager. En Europe on aurait honte. Le bureau de l’usine à Ningbo, c’était une vraie porcherie. Le patron et sa femme y travaillent toute la journée, de l’aube au crépuscule. Leur gamin de quatre ans y vit, dès qu’il a quitté la maternelle à laquelle il n’est astreint que le matin. Il a l’air heureux, mais du haut des mes standards occidentaux, je l’y plains : il n’y a pas un seul jouet, ses parents travaillent, il ne peut que rester assis sur une chaise face à un vieux moniteur cathodique taché, ou bien s’allonger sur un lit de camp dans lequel il se repose tout habillé, après avoir trainé dans la saleté. Quand j’ai vu l’état des draps, j’ai eu une moue de dégout. Quand je vois cela, j’imagine sa solitude. La précarité de son environnement, par contre, doit lui paraitre universelle. Moi, en tant que papa, je suis bienheureux d’avoir deux fils à l’âge très proche, qui évoluent dans un appartement confortable, corne d’abondance de joujoux, et avec qui, malgré le travail, on s’efforce de passer des moments à partager les préoccupations. Mais encore une fois, c’est bien arrogant, car il n’a pas l’air malheureux.

Au solde de notre deuxième journée sur place, nous avions réglé le problème. Le patron de l’usine nous avait prêté un scooter électrique, ce qui nous a permis de nous déplacer chez les différents vendeurs de visserie de la zone, afin d’acquérir les éléments nécessaires à la finalisation de la production. Voir que les clients se déplaçaient pour aboutir une responsabilité qui lui incombait, somme toute, ne l’a pas beaucoup gêné. Dans son esprit, c’est lui qui nous rendait service en fabriquant d’aussi petites quantités pour nous. S’il n’atteignait pas le niveau de qualité requis, c’était à nous de nous en préoccuper.

Quand j’ai commencé mes voyages en Chine, ces parfums métalliques ou goudronneux, issus des industries les plus humbles, je les adorais. En les sentant, j’avais l’impression de rentrer à la maison, aussi paradoxal que l’impression de bien-être puisse paraître. Encore actuellement, je me demande bien comment je pourrais assumer un travail sans pouvoir m’y plonger de temps à autres.

Mais c’est facile à écrire, bien à l’abri derrière son PC.

La politique des simples.

PS : je ne me suis pas trop creusé la tête, pour le nom de l’article, je dois bien l’avouer. C’est le nom du jardin le plus connu de Suzhou, qui se trouve presqu’en face de chez moi. Mais il collait tellement bien au contenu de l’article que je me suis laissé aller à cette honteuse facilité.

PPS : pour contraster avec la rusticité industrielle du texte, j’ai complaisamment alterné les clichés pris en usine, avec ceux, plus aériens, pris par Caili lors d’un voyage qu’elle a effectuée seule en octobre dernier dans la province du Yunnan. A découvrir la majestueuse désolation du paysage, j’ai presque regretté de ne pas l’avoir accompagnée. Presque.

Rédigé par Christophe Pavillon

Publié dans #la culture entre 2 chaises.

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
J'aime beaucoup la dixième photo, celle où l'on voit l'entrée d'une maison avec une façade rouge; je ne suis jamais allé au Yunnan, mais vos photos me font penser au Tibet. Ma prochaine destination en Chine sera très probablement le Yunnan, je voudrais aller à Lijiang et Deqen (nord du Yunnan). Est-ce qu'un européen peut prendre le bus de Kunming vers la région tibétaine du Yunnan (Deqen)? Il y a deux ans les guichetières de Chengdu m'ont refusé de vendre un ticket de bus pour aller à Kanding (l'ouest du Sichuan est aussi une région tibétaine), j'ai essayé d'acheter un ticket dans d'autres gares de bus mais en vain. On ne voulait pas me le vendre parce que ce sont des régions politiquement délicates.
Répondre
C
Désolé David, je ne vais pas pouvoir vous répondre, par ignorance concernant la région, et les possibilités de s'y déplacer. Il y a régulièrement des moratoires quant aux régions où les étrangers ont le droit de se déplacer, plus particulièrement depuis les événements pré-JO de 2008. Pour en avoir entendu parler, sans avoir vraiment vérifié, il semblerait que depuis lors, se rendre au Tibet quand on est étranger est pour ainsi dire interdit. Est-ce que cela s'étend à d'autres provinces...? Je ne sais pas vous répondre.
S
Je suis bien d'accord : superbes photos. Très contrastées. Celles du Yunnan sont sublimes. Celles des usines très intéressantes, dans un tout autre registre. La vétusté de certains lieux est effrayante. Et surtout, je reste ébahi par la préhistoricité de l'agencement électrique, la danse des câbles dangereux dans tous les coins, etc. On se demande comment toutes ces usines ne crâment pas au moins une fois par an...<br /> <br /> Intéressantes réflexions culinaires. Mais décidément, je suis totalement effrayé par la condition animale en Chine, que ce soit au niveau gastronomique ou autre !!!<br /> <br /> Merci encore pour cet énième super article !
Répondre
C
En fait, les photos les plus violentes ne sont pas du tout représentatives des usines chinoises, du moins celles qui exportent. Il s’agit là d’ateliers de mécanique dans lesquels je me suis dépanné pour faire tourner ou fraiser une pièce, ou récupérer un peu de quincaillerie. Ces ateliers de campagne sont en effet particulièrement vétustes, et particulièrement dangereux. Si j’ai posté ces photos, c’était pour essayer de faire ressentir le parfum de cambouis que j’affectionne, et que je décris dans l’article. Pour le reste, il est clair que je ne pourrais pas travailler avec ce type d’usines. Et d’ailleurs je n’aurai même pas besoin de faire un audit : il me suffirait de passer le pas de la porte pour immédiatement faire demi-tour !.. Car par ailleurs, comme tu le mentionnes, le risque sécuritaire est total.<br /> <br /> Pour les animaux, je ne sais pas trop comment l’abatage se passe en France, j’imagine qu’il est plus aseptisé. Maintenant, est-ce que ça se vaut, je n’en sais rien... Je me dis qu’ici, sachant qu’il y a déjà somme toute un respect limité pour la vie humaine, je me dis que ça ne peut qu’être pire pour les animaux. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de considération pour les animaux.<br /> <br /> Qui plus est, en Chine, la fraicheur est un plus énorme. Ca fait longtemps que je n’ai plus vu cela, mais avant, quand on allait dans un restaurant et qu’on commandait un poisson, le cuistot nous l’apportait d’abord dans un sac plastique pour montrer qu’il était bien vif et en bonne santé, avant d’aller le zigouiller en cuisine.<br /> <br /> Maintenant il ne faut pas que ça démotive. Encore une fois, la gastronomie chinois reste une des plus merveilleuses au monde !
M
Et les photos sont superbes !
Répondre
C
Faut être honnête : Photoshop n'y est pas pour rien !<br /> Mais merci tout de même !
M
Comme toujours une belle analyse, une écriture vive, imagée, qui invite à découvrir la suite du récit ... Dommage qu'il y ait chaque fois une fin.. J'en redemande ! Il faudra un jour songer à écrire un livre !
Répondre
C
Cela fait des années que j'y songe... J'avais écris un premier roman, sur fond de voyages en Chine, à la fin des années 90. Mais comme la plupart des premiers romans, il était imbuvable, particulièrement narcissique, et avec un style littéraire manquant complètement de maturité. Et en plus, pour une histoire somme toute avec peu de rebondissements... J'atteignais 400 pages. J'étais bien jeune, mais j'avais du faire rire aux larmes les quelques éditeurs aux quels je l'avais fais parvenir. J'ai ensuite écris un bien plus digeste polar sur fond de campagne poitevine et à l'inspiration cinématographique, que je n'ai jamais cherché à publier; car l'objectif était surtout de travailler le style. Mais je pense que, moi qui suis un éternel insatisfait de mon travail, le résultat était pas trop mal. J'ai ensuite commencé à écrire, toujours pour changer de style, un recueil de nouvelles fantastiques, liées entre elles par un récit de science-fiction. J'en étais à la moitié, et c'est le moment où je me suis expatrié. Débordé par la nouvelle vie que la Chine m'offrait, je n'y ai plus jamais retouché... Et hélas ne l'ayant jamais imprimé, je n'en ai rien conservé. Le côté SF était peut-être un peu ronflant, trop proche de 2001 plutôt que de Star Wars... Mais c'était il y a 12 ans, je m'en souviens somme toute assez peu, tant le changement de pays et d'existence a été une rupture, dans ce cas, presque spontané. Et puis, il y a quelques jours, j'ai été invité par un journaliste américain à écrire en binôme un livre sur Max Linder, figure du cinéma muet français qui me passionne. L'idée est excitante, et sachant qu'il y a peu d'écrit sur le personnage, même en français, j'y avais déjà songé. Pour autant, je ne sais pas si je vais donner suite. S'investir dans un tel projet, si on veut le faire correctement -et c'est mon cas- nécessiterait un investissement en temps incompatible avec le travail, qui reste l'objectif primordial. Ce n'est pas en y passant une journée par semaine que j'y arriverais... Quand je vois le temps que prend déjà l'écriture pour le blog. Et pourtant, dans le cas du blog il n'y a aucune recherche, ce qui va très vite. Et puis pour pouvoir écrire sur Max Linder, il me faudrait être en France, pouvoir recontacter l'association en charge de la promotion de son oeuvre, les rencontrer à nouveau, aller à la bibliothèque de la Cinémathèque Française, demander à Pathé -où Linder travaillait- s'il serait possible d'accéder à leurs archives, etc... Donc je crois que je vais, encore pendant un temps, me limiter au blog ! Merci en tous cas de votre soutien et de vos mots d'encouragement.
C
Merci du compliment ! En plus il est un peu moins long que d'habitude : j'ai raccourci la fin d'une phrase, ce qui doit faciliter la lecture.
Répondre