L'expat est mort : vive l'expat !
Publié le 24 Août 2013
Ceux qui me connaissent connaissent aussi le blog de l'expat qui officiait depuis 2006 et que je n'ai plus remis à jour depuis un an. Les raisons en sont multiples, et comme j'adore parler de moi, permettez-moi de développer tout cela :
Pour commencer, depuis 2009, je travaillais à une humble autant que piètre série de petits documentaires nébuleux pompeusement intitulée « en Chine avec l'expat », et qui n'a jamais connu qu'une adhésion limitée, à savoir les certitudes flatteuses de ma génitrice. Le manque de succès est certes imputable à une excellente cause : mon manque de talent. Bref, depuis cinq ans maintenant, je n'écrivais plus, malgré une verve vive, au bénéfice discutable de laborieux court-métrages. Un malheur n'arrivant jamais seul, sachez qu'à défaut d'être regardable, la série « en Chine avec l'expat » reste visible sur Youtube. Il y a onze épisodes, alors que vingt-quatre étaient prévus. Peut-être monterais-je les treize restants un jour, histoire de pouvoir me flatter d'avoir bâti une œuvre aussi emmerdante que celle de Carax ou Pialat. Le pire c'est que j'en suis fier, sans me faire d'illusion.
Ensuite, depuis jolie lurette, je ne me sens guère plus en phase avec la thématique que j'avais instituée au sein du blog de l'expat, dont le postulat était de présenter un article de fond régulier, en y traitant d'un sujet lié à la Chine dans ses moindres détails. La prétention, en un article, de pouvoir embrasser l'intégralité d'une problématique chinoise étant aussi arrogante qu'impossible que saugrenue, je n'ai jamais réussi à faire le tour d'une question, et encore moins d'une réponse. J'en pouffe encore. A relire certains de mes billets, même si le talent de plume m'y sied, le contenu mériterait, pour être à peu près exhaustif -pour peu que cela soit possible-, d'atteindre les proportions de l'annuaire de la région parisienne.
Je suis arrivé en Chine en 2003, dix ans déjà. Après avoir travaillé pour quatre entreprises chinoises, en peu de temps, j'ai monté ma première société en 2005, Onesource Agency Ltd. J'y propose d'accompagner les entreprises françaises dans leurs emplettes en Chine.
La même année, je rencontrais Caili avec qui je concubinais après quelques brefs mois de liaison. « Concubiner », j'aime bien ce mot : il y a « con », « cu », et même si « biner » trouve une définition potagère, je laisse votre imagination vagabonder. Bref, histoire de repousser l'échéance d'un mariage dont la pression du consensus traditionnel social chinois se faisait le bélier récurrent contre la herse de mon mental résolument non-contractuel, j'ai proposé à Caili de se fiancer l'année suivante. J'ai tenu trois ans, et nous nous sommes mariés fin 2009, avec au final beaucoup de bonheur, je dois l'admettre. Comme quoi, la pression rend heureux. Vous reprenez une pression ?
Pour preuve de cette youpi attitude, mariés en septembre, nous nous sommes retrouvés enceintes en février, même si me concernant la prise de poids avait des raisons purement alimentaires.
Fin 2010, Angelo, mon aîné est né.
Que de nuits mouvementées...
Dieu merci Caili allaitait : son néné aidait.
Rebelote début 2012, où contre attente, fruit d'un heureux accident, notre cadet, benjamin, et petit dernier, venait au monde. Non, vous n'avez pas compris, nous ne l'avons pas appelé Benjamin. Nous l'avons appelé Louis, comme le frère Lumière du même nom, en rappel de mon inaltérable passion pour le cinéma. Son nom chinois est Hanchen, ce qui, en phonétique française donnerait quelque chose comme « Rantcheun ». Il paraît que c'est très beau en mandarin. Pour ce qui est du français par contre, l'évocation un peu forte de son prénom engendrerait en réponse quelques « à vos souhaits » tout à fait concernés. Par contre le prénom chinois d'Angelo est Anjie, soit quelque chose comme « Anedjié ». Pour le coup la sonorité est fort douce dans la langue de Molière.
Ensuite, le montage d'entreprises, par un concours de circonstances assez inattendu, est devenu un hobby. Ainsi fin 2012 développais-je, avec l'aide d'associés de confiance en France, deux nouvelles boites n'ayant rien d'autre en commun que ma personne, à savoir Jingwei Shop et CDA. Beaucoup de travail, surtout pour la première me concernant, et qui a reculé à une échéance indéterminée la réalisation de nouveaux épisodes de « en Chine avec l'expat », alors que la concrétisation de ceux-ci avait déjà empêché la rédaction de nouveaux articles au sein du blog de l'expat depuis quelques années... Bref depuis un an ne me concentrais-je plus sur rien d'autre que le travail.
Avec tout ça, j'ai commencé à m'interroger sur l'avenir du blog de « l'expat ». Comme j'ai la comprenette difficile, il m'a fallu le déclic Facebook -où l'on peut étalager des tranches de vie sans aucune pudeur- pour réaliser que mon quotidien en Chine avait changé depuis longtemps, et que, pour peu qu'il ait correspondu à quelque chose pendant un temps, le blog de « l'expat » ne correspondait en tous cas plus du tout à ce que j'étais devenu, ni à ce que je vivais, ni ce à quoi j'étais confronté, et encore moins à ce que j'avais envie de relater.
La richesse de mon expatriation, elle n'est pas dans ces grandes thématiques que j'avais l'orgueilleuse ambition de détailler à travers mes articles, mais dans le quotidien tout con d'un quidam franchouillard dans une famille franco-chinoise qu'il a participé à construire à l'autre bout du monde. Cet autre bout du monde, c'est ma vie de quartier, de couple, de copain, de papa, ou plus simplement de banal untel aux journées lambda et aux rêves restés exotiques.
C'est tout cela que je souhaite exhiber dorénavant à tous les passants : cette culture dans laquelle j'évolue depuis dix ans, mais qui ne sera jamais la mienne, même si c'est celle des miens, de ma femme et de mes deux fils. J'y mesure la mienne, de culture, mon terroir de Touraine, mes habitudes charcuto-fromago-vinicoles hexagonales.
La France, c'est ma culture, c'est mon pays. Mais après dix ans, même si je ne serais jamais chinois, je ne suis plus non plus vraiment tout à fait français, et doute de le redevenir. C'est déstructurant : pour des broutilles, quand on rentre dans son pays, on ne comprend plus ses compatriotes. On ne sait plus d'où on vient, où sont nos valeurs. On a conservé des choses de la France, on en a oublié d'autres. Les français ne me comprennent plus, les chinois ne me comprendront jamais. Je ne comprends jamais pleinement aucun des deux. L'un ne me semble pas avoir les outils pour appréhender l'autre, et vice-versa. Dans les deux cultures, je sors du gabarit usuel. C'est cette essence déstructurée, ce quotidien déstabilisé, avec la culture inconfortablement posée entre deux chaises, que je souhaite vous dévoiler ici, à travers des anecdotes, des gens, des moments, des rencontres, des rires, des coups de gueule... Car malgré tout, la compensation de tout ça, c'est de mener une vie pas banale.
Et puis, j'ai pris de l'âge. J'ai perdu en cheveux ce que j'ai gagné en bide. Et mon impertinence iconoclaste, mon irrespect du politiquement correct, mon mépris de l'étroitesse d'esprit, à l'égard des donneurs de leçon autistes qui se considèrent dépositaires de la vérité universelle alors qu'ils ne sont jamais sortis de leur village, mon refus systématique de la pensée unique formatée par les médias, les courants, les modes, les ce-qu'il-faut-penser, bref, la révolution face à la dictature des imbéciles majoritaires, de quel côté de l'Oural qu'ils soient, je la revendique haut et fort et suis d'autant moins prêt à faire de cadeaux. Je regarde de haut les abrutis qui ne savent pas mais qui éprouvent la certitude de ce qu'ils disent, et deviserais toujours avec respect les humbles qui ne savent pas mais qui interrogent.
Cette tonalité débridée, en filigrane dans le précédent blog, je la libère, sauvage et violente, mais j'espère avec élégance, dans ce nouveau blog, au titre symptomatique de ma condition et de mes choix, assis que je suis, la culture entre deux chaises.
Des années que je n'avais pas écris, et pourtant le stylo est parti tout seul !
En fait c'est comme le vélo...
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